(1868-1946)
Il utilisa ponctuellement les pseudonymes Axel et Ullalume. Diplômé en droit de l’Université de Coimbra en Magistrature (à Goa, Moçâmedes, Timor, Luanda et enfin à Lisbonne), Conseiller à la Cour suprême, conseiller juridique, il est même devenu ministre de la Justice dans la période fugace du gouvernement de Sidônio Pais (11 décembre 1917 – 14 décembre 1918). Il a également été poète, polémiste littéraire et auteur d’un livre de voyage remarquable, comportant des considérations érudites sur l’anthropologie et la flore du Timor Oriental (1943), qui allait avoir une influence importante sur Rui Cinatti. Son œuvre poétique est un exemple de la poésie du Symbolisme, du Décadentisme et du Parnassianisme ainsi que du Parnassianisme fin-de-siècle. Dans sa jeunesse, Osório de Castro a participé aux nouveaux courants littéraires en publiant plusieurs articles et chroniques, notamment dans la revue coïmbrienneBoémia Nova. Il a également collaboré à la plupart des revues littéraires d’avant-garde à la fin du XIXe siècle, Os Novos, A Revista, A comedia Portuguesa(fondée en 1888), et au début du XXe siècle, Centauro(1916), Sphinx(1917), Alma nova(entre 1915 et 1918). Seabra Pereira établit des liens d’influence, ou de correspondance, avec des poètes tels que Pessanha, Venceslau de Morais, Gomes Leal, António Nobre, parmi tant d’autres dont il fut l’admirateur ou l’ami (cf. introd. Castro, 2004 : 45). Mais ce qu’il convient de souligner ici, plutôt que son cadre périodique, c’est la capacité de son exotisme (avec de nombreuses références à l’Orient portugais, en Inde et au Timor) à devenir une forme d’humanisme. Ce qui est remarquable dans sa poésie, c’est la perméabilité linguistique, le goût pour une expérience babélique du vers, fermenté par les voyages et surtout par de longs séjours dans des contrées lointaines. Dans sa poésie, se manifeste une « polyglossophilie », ce plaisir de parler plusieurs langues, qui, pour Osóriode Castro, est l’une des façons d’affirmer sa passion pour l’Autre, son goût pour la polychromie de la flore, mais aussi pour la diversité des cultures. D’une certaine manière, c’est par ces caractéristiques que sa poésie ressemble quelque peu à celle d’António Nobre. C’est aussi pour celles-ci que Rui Cinatti estime tant le poète et son œuvre.
Lieux de passage
Portugal Continental, Italie, Inde, Timor, Mozambique, Japon, entre autres.
Citations
Si loin du Fuji-Yama, / à notre automne, les exilés/chrysanthèmes de la terre en flammes, / fleurissent dans des après-midis glacés. [Notre traduction de Castro, 2004 : 56]
Sur la calle Sierpes, à Séville, / Oh, il n’y a pas plus grande merveille / que la lumière noire de son regard. / Quand svelte et fine, elle passe / toute la calles’emplit de grâce / et de la gloire de sa démarche. / Elle chante la Giralda et le sereno[…] [Notre traduction de idem: 65]
Dans une de ces vallées italiennes, / quand je serai très vieux, j’irai mourir, / en me souvenant de mes années mortes. [Notre traduction de idem: 76]
Roses de l’Inde si décolorées / de cœur, / roses de Maia dans les défoliés, / comme vous êtes belles, plus écarlates / que Saint-Jean ! [Notre traduction de idem: 82, à Nova Goa]
Le thé, en Sèvres couleur indigo et or, / parfume vaguement et finement le salon. / Five o’clock tea. Un figulin enroule / sur le Bréguet son turban maure. [Notre traduction de idem: 88, à Mangualde]
Je passe un temps à regarder distraitement, comme un enfant, / les voyages que fait la fumée d’un cigare […] [Notre traduction de idem: 100]
Il faut trouver l’Eldorado d’autrefois, / même si nous coulons une fois de plus, allons-y ! / Sur l’océan pacifique et infini de Dieu [Notre traduction de idem: 108, Poème « A Cipango » écrit à Mangualde]
Port de Cadix, si beau, au Sud ! / Le ciel bleu comme la mer bleue, / les salines qui blanchissent ! [Notre traduction de idem: 118]
Lumière des déserts, légère et sèche ! […] Fleuves de Goa, scintillants, collines ardentes et éblouissantes, / palmiers immobiles dans la splendeur ! [Notre traduction de idem: 124, à Margao]
Feu de Saint-Elme ! Illumine la nuit irrémédiable de ma douleur ! [Notre traduction deidem: 126]
Souvent mon âme, libre et errante, / Beautiful Bombay ! Elle traversera / tes jardins et tes terrasses au clair de lune, / dans la lumière de ton midi éclatant. […] / Church Gate ! Les trains circulent/ continuellement… C’est un rêve qui défile …/ Delhi ! Lacknow ! Temple d’Or ! Amritsar ! / Taj Mahal, clair de lune et perle blanchissant ! [Notre traduction de idem : 180]
Naples : « Rythmiquement, dans un stertor rouge vif, / la baie merveilleuse ensanglantait le Vésuve […] [Notre traduction de idem: 205]
Oh gares de la Riviera ! / Des noms fleuris comme des plantes grimpantes, / Dolceacqua, San Remo, Bordighera […] [Notre traduction de idem: 297]
La grâce de la musumé, / que Venceslau de Morais envoûte, / maintenant je vois très bien comment elle est… / oiseau de paradis qui s’ébouriffe. [Notre traduction de idem: 304, dans le détroit de Banka]
La mer est un désert, / céruléen et scintillant. [Notre traduction de idem : 314, dans le Golfe du Bengale]
Dans la cambrousse africaine, / dans le terrible silence du clair de lune, / on sent le néant de ce qui est humain ; un frisson d’horreur, ténu, passer.[Notre traduction de idem: 352, en voyage]
À l’ouest de Díli, que nous avons quitté à l’aube du 14 avril, au son du gazouillis aigu descahacsqui s’éveillent, nous empruntons un beau chemin ardent entre les marécages, d’où jaillissent les pândanus, et la plage parsemée de madrépores. Après les tamariniers, les cocotiers, les manguiers et les arbres à pain du quartier pittoresque de Farol, la végétation de la mangrove ou Mangal, identique à la « Mangrove » indienne ou africaine, avec les fleurs bleues des Acanthus Ilicifolius, les Sonneratia acida, les Spathodea rheedii parfumées, bignoniacées; puis les si jolies Kleinovia hospita roses, les Erithrinasindiennes, les Pândanus, les Terminalia catappapurpuracées, qui donnent des amandes délicates (les prunus du bon Garcia da Orta), les Vitex negundo e trifolia, les Calophyllum inophyllum très beaux et très parfumés, qui rappellent les magnolias, jusqu’à l’embouchure de la Motael, émaillée de Cyperuset de Junceas, fleurie de Vinca rosea» [Notre traduction de Castro, 1996: 39-40]
Bibliographie primaire (sélection)
Castro, Alberto Osório de (1923). Um documento da vida conventual em Goa, Lisboa, Of. Gráficas da Biblioteca Nacional.
— (2004). Obra Poética. Vol. I, ed. António Osório, introd. J. C. Seabra Pereira, Lisboa, IN-CM.
— (1996). A Ilha Verde e Vermelha de Timor, org. Gustavo Rubim, Lisboa, Cotovia.
Bibliographie secondaire (sélection)
Pessanha, Camilo (1984). Cartas à Alberto Osório de Castro, João Baptista de Castro e Ana de Castro Osório, éd. Maria José de Lencastre, Lisboa, IN-CM.
Pereira, José Carlos Seabra (2004). “Vestígios de Verdade e Beleza: Para o retorno à luz”, introdução à Obra Poética. Vol. I[de Alberto Osório de Castro], éd. António Osório, Lisboa, IN-CM, pp. 7-45.
Braga, Duarte Drumond (2014). Ao oriente do Oriente: transformações do orientalismo em poesia portuguesa do século XX: Camilo Pessanha, Alberto Osório de Castro e Álvaro de Campos, Lisboa, Thèse de Doctorat en Etudes Comparées, Universidade Nova.
Version originale en portugais: Maria Luísa Malato
Traduction: Laïse Fagundes
Révision: Nicole Almeida et Françoise Bacquelaine