(1965)
Urs Richle est né en Suisse à Wattwil, dans la région de Toggenburg, qui servira de décor aux premiers romans de l’auteur, à partir de 1992. Il a vécu quelques années à Berlin et habite à Genève depuis 1993, où il travaille comme ingénieur à l’université de cette ville, dans le cadre du projet : « DualT – Leading House : Technologies for Vocational Training ». Genève figurera dans ses trois derniers romans, notamment dans Fado Fantastico (2001), qui raconte les mésaventures d’un immigré lisboète de 54 ans, Francisco Fantastico, qui y vit depuis plusieurs années, bien qu’illégalement. C’est un homme solitaire, qui écoute souvent une cassette de fado et boit de la bière. Sa Genève est très limitée : c’est son lieu de travail, sa maison, le café, c’est comme si la ville se limitait à de petits micro-espaces. Il n’a qu’un ami, son collègue Jean, qui est d’ailleurs celui qui raconte l’histoire au narrateur, un voisin de Francisco. Le fils va chercher son père : mais la Lisbonne qui se présente à lui, 14 ans plus tard, n’a rien à voir avec l’image qu’il gardait de cette ville qu’il avait connue à l’époque de la révolution des Œillets. La famille qu’il y retrouve lui est également étrangère. Il s’était enfui sans laisser de traces, quelque chose avait dû arriver pour justifier cette fuite. De plus, cet endroit l’oblige à affronter son passé qu’il veut apparemment fuir. Il retourne en Suisse, où son fils António essaye de le récupérer une fois de plus. Au travail, António finit par tuer accidentellement le nouveau patron, le fils de l’ancien, qui vient de rentrer des États-Unis. L’arme appartient à Francisco, il assume la culpabilité et se rend à la police. Le narrateur est à Lisbonne à la recherche d’António. Mais celui-ci, craignant probablement que le narrateur soit de la police, nie être allé en Suisse et avoir rencontré Jean.
Ce roman aborde divers sujets, comme les mauvaises conditions de vie des travailleurs illégaux, victimes d’abus de la part de certains employeurs, ou la xénophobie de certains habitants de la ville. C’est un roman sur les relations père-fils, insérées dans les contextes sociaux de Genève et de Lisbonne. C’est un roman de frontières politiques et personnelles, qui sont toujours franchies, laissant des séquelles chez les personnages en transit.
Lieux de passage
Portugal, Allemagne, États-Unis, Suisse.
Citations
On n’a pas compliqué les choses : on a séjourné dans le premier hôtel qu’on a trouvé, Praça da Figueira : des couvertures sentant le moisi, un miroir sans éclat, une petite fenêtre donnant sur une cour intérieure, le bruit de la climatisation. On a déposé nos affaires et on est sortis tout de suite. Ça n’a pas été difficile de trouver le magasin. La rue Diário de Notícias est une rue centrale du Bairro Alto. C’était le début de l’après-midi, le magasin était encore fermé. La chaleur sortait par toutes les brèches, nous tapait sur la tête et nous faisait transpirer par tous les pores.
On a erré en descendant la rue, on est passé devant des magasins et des cafés, la lumière était aveuglante et brûlait presque les yeux, les façades étaient resplendissantes. Quelques personnes, pas beaucoup, glissaient sur les pierres de la chaussée et disparaissaient dans les escaliers des maisons, les caves et les cours intérieures. Quand je suis retourné au magasin, il était déjà ouvert et j’ai vu António au comptoir. […]
On a commandé du Porto blanc et des olives, on a jeté un œil sur le menu sans rien comprendre. Petit à petit, le restaurant s’est rempli. […] Au milieu de la salle, les musiciens s’apprêtaient à accompagner le fado. Deux chanteuses se sont assises à la table à côté d’eux. Je me suis levé et je suis allé voir António. Il était seul en train de boire un verre de bière et de regarder les préparatifs du concert. […] Du belvédère qu’António m’avait décrit, on pouvait voir tout le Tage. La ville s’étendait sur la colline devant nous, derrière nous se trouvait le château São Jorge. Il est arrivé à l’heure, il venait seul. On s’est appuyés contre la balustrade et on a contemplé la ville en silence pendant un moment. [Notre traduction de Fado fantastico2001 : 180-181 ; 183 ; 185]
Bibliographie primaire (sélection) :
RICHLE, Urs (2001), Fado Fantastico, Zurique, Nagel & Kimche.
Bibliographie secondaire (sélection) :
TOMÉ, Simone Auf der Maur (2003), “Wo immer man hinkommt, man ist Opfer der Erinnerung. Grenzüberschreitungen in Urs Richles literarischem Werk, oder der Versuch, der Vergangenheit zu entrinnen.” In Gonçalo Vilas-Boas (org.), Partir de Suisse, Revenir en Suisse/ Von der Schweiz weg, in die Schweiz zurück, Estrasburgo, Presses Universitaires de Strasbourg, 2003, p. 255-269.
VILAS-BOAS, Gonçalo (2009). « Stadttopographien in Urs Richles Romanen ». In Dariuz Komorowski (org.), Jenseits von Frisch und Dürrenmatt. Studien zur gegenwärtigen Deutschschweizer Literatur, Würzburg, Königshausen & Neumann. (À paraître)
Version originale en portugais: Gonçalo Vilas-Boas (14/11/2011)
Traduction: Eva Bastos
Révision: Nicole Almeida et Françoise Bacquelaine